Maté El Gaucho

27 décembre 2019Marie HERBERT

Décembre 2019, patagonie chilienne.

Le visage plissé par le temps, chapeau sur la tête et cape en jute sur le dos, le gaucho s’avance. D’un geste sûr d’années d’expériences il enfourche son cheval et s’élance au trot. Il quitte l’enclos des vaches avec une dextérité que nous lui jalousons. Sur sa monture, il n’a plus d’âge.

La veille, nous partagions avec son épouse et lui la chaleur du poêle à bois dans leur cuisine. Assis dans son fauteuil, sa voix tremblante et son accent d’arrière-pays renforçait son image de doyen. Nous ne pensions pas nous réveiller face à cette dame tirant le lait, et ce vieil homme fier cavalier.

Les gauchos (dit « ga-ou-tcho »), se sont ces vaqueros /cow-boy de l’amérique latine dont la culture dépasse les frontières. C’est un peu de leur histoire que Nacho nous a conté un matin, lors d’une cérémonie du maté.


Le maté, appelé ici « yerba » est l’infusion d’une plante (sorte de houx) cultivée essentiellement au nord de l’Argentine et au Paraguay. Elle se boit dans toute l’Amérique latine, mais aussi en Asie et en Europe. Devenue la nouvelle boisson santé, louée pour ses effets anti-oxydants (plus importants que le thé vert) et stimulants (contient de la caféine) on dit qu’elle donne d’« happy heart-attack » aux plus grands consommateurs (contient aussi de la théobromine, comme le cacao).
(La théobromine et la caféine qu’elle contient sont tous deux cardiostimulants : augmentent la fréquence cardiaque).

Ici, la yerba se boit seul ou entre amis (mais toujours dans une seule callebasse, que l’on se fait passer). Son partage est très codifié chez les gauchos et leurs descendants. On la consomme dans une tasse, appelée maté, à l’aide d’une paille, bombilla.

El Cebador prépare et offre la boisson. Il est le maitre de cérémonie. Il reprend le maté pour le réapprovisionner en eau entre chaque convive, et le redistribue (toujours dans le sens des aiguilles d’une montre).

Après avoir bu la totalité de l’infusion (sans bavarder ! et oui, tout le monde attend son tour, interdit de papoter maté à la main), il est d’usage de tendre le maté au cebador : yeux dans les yeux, bombilla vers lui.

La pava (bouilloire) chauffe en permanence sur le feu. « Les gauchos sont un peuple de feu, jamais ils n’utilisent de bouilloire électrique ou thermos » souligne Nacho.

Et si le Cebador s’absente alors ? Se femme, ou son ami orchestrent à leur tour la cérémonie. A défaut, il nomme son remplaçant « Va con lasso ».

Le maté passe ainsi de main en main. Son goût et son amertume s’amenuisent à mesure que l’herbe infuse. Lorsqu’il devient trop fade, libre à chacun de le faire savoir au Cebador « Quieres un lavado ? » ou avec plus d’insistance « Quieres un café ? ».

Chaque convive peut arrêter de boire quand il le souhaite, en le notifiant au Cebador par un « Gracias » en redonnant le maté. Ce dernier répondra « Approveche ».

Il peut tout de même lui proposer une fois de plus en l’interpelant « porfiado » (têtu), ou quand que le convive est sur le point de partir « una mas para el estribos ? » (un de plus pour les étriers, comprendre pour la route)…    

Una mas para el estribos ?