Revoluciòns Chilena

5 décembre 2019Marie HERBERT

11 septembre 1973.

Putsch du Général PINOCHET au chili. Mort du président ALLENDE.
Le lendemain, le stade national de Santiago devient lieu de détention. Suit l’ouverture de près de 1132 centres de détentions sur tout le pays. Lieux de tortures et d’homicides, on recense 38000 morts au cours de ces 17 années de dictature. Entre 500 000 et 1 000 000 de chiliens ont été contraints à l’exil.

C’est le ton grave, et stupéfaits que nous parcourons le mémorial. L’Histoire prend sens au fil des témoignages, journaux d’époques, et affiches étrangères dénonçant les atteintes aux droits de l’homme. Couvre feux, absence de jugement avant condamnation, censure, brulures électriques, violences sexuelles, …

C’était il y a tout juste 30ans. Ces étudiants poings levés avait eu l’âge d’être nos parents.

7 octobre 2019.

Le peuple chilien sort dans les rues manifester sont « ras-le bol ». L’augmentation des tickets de métro n’est que le souffle de trop sur un château de cartes.

Le salaire minimum est fixé à 375€.
70% des salariés gagnent moins de 730€ par mois.
1% des chiliens concentrent 33% des revenus du pays.
En 2019, moins de la moitié des femmes ont accès à une activité rémunérée et 31 % travaillent sans contrat ni protection sociale ou de santé.

Devant l’ampleur des rassemblements et la difficulté à les tarir, le président impose un couvre-feu et envoie l’armée dans la rue. Comme un air de déjà vu, qui n’est pas sans déplaire.

A ce jour, l’institut national des droits de l’Homme chilien rapporte 20 morts et près de 600 personnes blessées par armes à feu, tirs de balle ou grenailles de plomb.

Santiago continue de vivre, ses marchés sont riches en couleurs, monde (et odeurs aussi). Chacun semble vaquer à ses occupations, mais partout nous sommes rappelés au mouvement qui a lieu en ce moment même dans le pays.
Par les (très) nombreux tags et graffs appelant à la révolution. Par les chants féministes* qui retentissent dans les centres commerciaux, ou au travers de vidéos que les habitants visionnent dans le métro. Mais surtout par les chiliens eux-mêmes.

Nous avons eu l’opportunité d’échanger avec quelques-uns. Comme ce 3 décembre au soir, 23h30. Un peu trop tard à notre goût pour le métro. Nous montons dans le taxi de Felippe. Rapidement, il nous parle des problèmes économiques du Chili. Il a participé activement au mouvement. La plaza Italia (épicentre du mouvement), renommée « plaza de la dignidad » par les manifestants est sur notre route. Il nous propose de passer devant et nous raconte les récents rassemblements.

Sur cette immense place et son avenue, par un centimètre de mur qui ne soit recouvert de slogans. Du trottoir au 2ème étage, on distingue à peine les façades.

Quelques barricades sont encore présentes. Des caddies, des feux à même l’asphalte, et des sacs (de sable?) en guise de ralentisseurs. Les personnes qui les tiennent sont cagoulés, et arrêtent toutes les voitures. Les conducteurs devant nous ne semblent pas rassurés. Ils tentent des demi-tours, semant la pagaille. Ils s’énervent parfois et reçoivent des coups de pieds dans la carrosserie.

Nous ne sommes pas franchement à l’aise non plus ! Mais notre chauffeur reste calme, nous explique que ce ne sont pas des gens violents, juste « des personnes qui ont plus de problèmes que les autres et qui en ont marre ». Il leur donne la pièce et quelques mots d’encouragement, et nous passons sans plus de déconvenue les barrages.

Nous avons le sentiment d’un peu mieux comprendre cette colère.
Mais nous nous garderons bien de retourner dans ce quartier pour le moment ! 🙂

Nous ne pensions pas écrire d’article sur le sujet, mais après ces quelques jours dans la capitale, nous ne pouvons dissocier le lieu de ce qui s’y passe. Nous souhaitions le partager avec vous.

* En violador en tu camino, traduit et repris dans de nombreux pays (dont la France)
** pas de photos de la plaza de la dignidad dans cet article, seulement des quartiers plus tranquilles