Winter is leaving ?
Quelques grincements puis une détonation sourde vient briser le silence. Un bloc s’échappe de ce géant de glace aux pieds de cristal. Ces sons résonnent en nous comme un appel auquel nous ne pouvons rester sourds.
Voilà maintenant 45 jours que nous sillonnons la Patagonie. Cette terre encore vierge de building et d’autoroute. Je pourrais vous conter ses lacs aux bleus profonds, la silhouette des aiguilles de la Cordillère qui viennent percer les nuages, ou les milles oiseaux qui survolent ses côtes. L’endroit est incroyable. Mais la notoriété de ses paysages n’est plus à faire.
Je préfère vous parler de cette immensité blanche, dont la seule vision impose le silence. De la beauté fragile qui s’en dégage. Et de la crainte que fait naitre en nous ce spectacle. La crainte que nous n’ayons tout gâché. Que l’éternel soit éphémère.
Nous avons eu la chance d’approcher plusieurs glaciers, qui ne sont en fait que plusieurs langues d’une même unité : le campo de Hielo Sur. La 3ème réserve continentale mondiale en eau douce.
Est-ce son vieil âge ? Près de 18 000ans. Ou son immensité ? 16 000 km2.
Je ne saurai dire, mais nul ne reste indifférent.
Et qu’en restera -t-il dans 100 ans ? Ou même 20 ans ?
Comme 90% de ses semblables patagoniens, le glacier Grey recule. En moyenne 150 mètres par an. En 1945, l’ilot rocheux central que vous apercevez sur la photo (haut de plusieurs dizaines de mètres) était enseveli sous les glaces. Son voisin Jorge Montt perd lui jusqu’à 1km chaque année.
Les scientifiques alertent. La fonte croît de façon exponentielle et n’a jamais été aussi massive que ces dernières décennies. Depuis 2006, la perte de masse annuelle des glaciers continentaux est estimée à 335 milliards de tonnes (l’équivalent de 3 fois le volume de glace stocké dans les Alpes européennes d’après le Pr ZEMP, glaciologue).
Glacier Perito Moreno (Argentine) Glacier Grey (Chili) Glacier Grey (Chili)
Notre génération a mangé la pomme.
Plus de 75% des terres sont actuellement endommagées par l’Homme.
Et dans ce lieu pourtant bien loin de nos infrastructures, les conséquences sont, elles, bien réelles.
Je vous souhaite le bonheur de voir un jour de telles glaciers.
Alors, écoutez… Entendez ses craquements, et le bruit assourdissant des fracas de glace qui se détachent. Notez le silence qui règne, alors même que des bus entiers de touristes affluent.
Admirez le bleu intense des icebergs. Appréciez ses formes élégantes.
Et échangez. Ici, la vaste notion d’écologie, prend sens. Elle est au cœur des conversations. Les changements climatiques préoccupent.
Quelques centaines de mètres au-dessus de nos discussions, l’actualité nous rattrape. Les fumées des incendies Australiens sont arrivées sur la Cordillère, rougissant les couchers de soleil.
Séquelles d’un feu de forêt, Parc Torres del Paine (Chili)
Les catastrophes écologiques se multiplient, et nous élisons des Trump, Bolsonaro et Orbane… Quelle incompréhension ! De quelle économie, agriculture ou industrie pourrons-nous bien nous vanter quand tout partira en fumée ?
Si nos représentants ont entre leurs mains les plus lourdes décisions de ces prochaines décennies, tâchons de voter en conscience.
Si l’argent règne en maitre, essayons de dépenser en respectant nos valeurs. Le choix des consommateurs d’aujourd’hui dicte le modèle de production de demain.
Ce texte n’a pas vocation à vous faire quitter maison et travail pour vivre nus dans les bois. Ouf !
C’est une invitation à nous questionner.
Sur demain. Sur nos choix. Et leurs répercussions.
Coucher de soleil sur la Cordillère (Argentine)